Alain
Boublil: Il avait 21 ans...22ans...
Daniel, je l'ai rencontré quand je faisais les auditions de ma première
comédie musicale, quand j'ai écris "La Révolution Française" déjà en
collaboration avec Claude-Michel Shöenberg. C'était il y a 22 ans, je
crois. J'ose à peine le dire.
Daniel a auditionné pour faire partie de la troupe avec laquelle on
a monté ce spectacle au Palais des Sports. Et Daniel était l'un d'entre
eux avec son frère (Guy).
A l'époque il est venu auditionner avec son frère... C'était des tout
petits rôles et Daniel débutait.
Daniel n'avait pas encore fait son premier disque. Je crois qu'il préparait
son premier disque...ou qu'il en avait déjà fait un ?. Et comme il le
disait lui-même, je crois qu'il s'était vendu à 745 exemplaires. Il
préparait l'album qui allait faire de lui Daniel Balavoine.
Léo Missir: Dans l'orchestre de Patrick Juvet, il y avait un
garçon qui chantait dans les choeurs. Et quand j'ai écouté le disque
que Patrick avait enregistré à Londres, j'ai entendu une voix qui n'était
pas celle de Patrick Juvet, qui m'a surpris, qui m'a étonné, qui m'a
ravi.
Et puis, j'ai demandé à Florence Aboulker - qui à l'époque s'occupait
de Patrick Juvet - que viens faire cette voix alors que c'est un disque
de Patrick Juvet ?.
Elle me dit : "...Est-ce que ça te plaît ?...".
Je dis : "...Mais je trouve ça extraordinaire. C'est un garçon qui
a une voix superbe...".
Elle me dit : "...En plus de ça, la chanson qui est là, c'est un
cadeau qu'a fait Patrick Juvet à ce jeune garçon, c'est une chanson
de lui...".
Elle s'appelait "Couleur d'automne". C'est une très très belle
chanson qui m'avait emballé.
J'ai dit : "...Mais je veux absolument voir ce garçon. Il faut que
tu m'amènes ce garçon le plus rapidement possible...".
Ca se passait en 75. C'est à dire que j'avais 50 ans puisque je suis
né en 1925.
J'avais fait une très très belle carrière jusque là chez Barclay où
j'avais découvert beaucoup d'artistes.
Mais les gens commençaient à dire : "...Oh Léo...il ne comprend plus
rien...tu te rends compte le gars qu'il vient d'engager...ce garçon,
ça ne pourra jamais marcher...ce n'est pas possible...cette espèce de
voix qu'il a...aiguë...avec la tête qu'il a...le physique qu'il a...ça
ne marchera jamais...".
Et moi, je n'ai pas bougé.
J'ai dit à Monsieur Barclay : "...Ecoutez Monsieur, vous m'avez toujours
fait confiance jusqu'à présent. Personnellement, j'y crois dur comme
fer. Je sais que j'ai tout le métier contre moi. Je suis persuadé que
ce garçon, un jour, va marcher très fort. Je ne vous dis pas qu'il va
marcher au premier disque. Peut-être pas au deuxième non plus. Mais
je suis sûr qu'au troisième disque les gens vont s'habituer à sa voix,
vont s'habituer à son physique, et surtout à son intelligence...".
Parce que c'était la première fois que je rencontrais enfin quelqu'un
qui savait parler.
... J'avais à l'époque un petit bouc.
Il (Daniel) me disait : "...Mais pourquoi vous gardez ce bouc ?...
Vous êtes plus jeune que nous de coeur et vous avez ce bouc qui vous
vieillit...".
Alors je lui dis : "...Ecoute, je te promets que le jour où tu vends
300 000 disques, je couperai mon petit bouc...".
Et un matin, je l'appelle chez lui, et je lui dis : "...Daniel, est-ce
que tu veux passer me voir ?. J'ai une chose à te dire...".
J'avais appris le matin par le service commercial, que nous étions arrivés
à 300 000 disques.
Le jour même, j'ai coupé mon bouc. Il est rentré dans mon bureau.
Il m'a vu sans bouc et il me dit : "...Léo, on a vendu 300 000 disques
?...".
Je lui dis : "Oui, on a vendu 300 000 disques...".
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