Retour dans la loge du spectacle.
Un assistant lui installe le boîtier de son micro H.F. dans le dos.
Il met son micro casque sur sa tête.
D.B. : Voilà, ça c'est mon casque. Sur un chantier tu dois mettre
un casque...(désignant l'assistant)... C'est Alain...
Alain : Je mets bien le fil pour ne pas que ça fasse comme l'autre
jour et que tu te prennes les pieds dedans
(en fait le fil est tout petit et ça fait rire Daniel).
Daniel passe sa veste de scène et ajuste le casque.
D.B. : C'est mon diadème. Et ça c'est mon habilleuse. Elle est
bien roulée ?. Voilà, hop et voilà. Incroyable non ?. Bon allez... Je
regarde si c'est en face... Voilà, tout est en place. Au revoir, à tout
à l'heure.
Il sort pour aller sur la scène.
Enchaînement sur la scène avec "Pour la femme veuve qui s'éveille".
Colombes.
D.B. : Il y a trop de gens qui disent "...oui, c'est trop facile,
avec la technique, la lumière, on peut tout faire...". Ce n'est pas vrai.
C'est que justement, si la personne qui est en avant de la scène n'a pas
de force, n'a pas de personnalité, n'a pas d'impact, elle se laisse effectivement
écraser par la machinerie.
Ca veut dire que là ce que je dis c'est très simple : c'est plus facile
de chanter tout seul sur une scène avec un projecteur et d'affronter le
public que de le faire avec tout un système technique. Parce qu'on est
très vite dépassé par la technique si on ne se surveille pas.
Si je me mets au piano, demain, à un concert, tout seul... et tu as vu
le concert, je fais "Lipstick Polychrome" à la guitare et ça marche du
tonnerre parce que les gens aiment ces moments d'intimité.
Et c'est vrai que c'est plus facile quand on est tout seul de posséder
le public. En plus il y a un phénomène de possession qui moi me déplaît
justement.
Ce n'est pas le but de l'affaire. Le but de l'affaire c'est tout ce qui
se passe sur scène et pas que moi. Ce n'est pas de la fausse modestie.
C'est la qu'est la force, s'il y en a une, c'est d'arriver avec tout ce
monde autour, toute cette machinerie, de rester existant et de ne pas être quelqu'un de transparent.
Daniel joue de la guitare, une guitare sur laquelle son visage est
peint près d'un graphisme qui rappelle la pochette de "Vendeurs de Larmes" (la cible).
D.B. : Je me suis mis à la musique tard, en fait. Je me suis mis
à la musique à 16-17 ans.
Parce que justement il y avait eu à cette époque là Mai 68, la fameuse
révolution avortée. Comme j'y avais été mêlé de près, en tout cas dans
mon coin, j'ai été déçu en voyant arriver les soi-disant "révolutionnaires"
qui venaient nous tenir finalement le même genre de discours que les hommes
politiques de l'époque. Et puis finalement quand on les voyaient arriver,
on entendait que des conneries. Ca m'a complètement démobilisé et j'ai
eu un petit peu le dégoût de tout.
Dès que je sens une structure se resserrer autour de moi, qu'elle soit
politique, religieuse, syndicale même je dirais familiale, je fuis. Je
fuis en avant. Mais je fuis parce que je ne veux pas être prisonnier de
quoi que ce soit. Je ne veux pas être représentant de quelque chose.
Puis se succèdent des images de Daniel sur la chanson "Sauvez l'amour".
Daniel au pensionnat de son enfance (collège Cendrillon à Dax), entouré
des pensionnaires actuels à qui il signe des autographes, avec qui il
pose pour une photo collective. Images des dortoirs, des portes du pensionnat.
Daniel qui joue à Colombes avec son chien Raoul.
Dans un pièce située à l'arrière du pensionnat, Daniel raconte.
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D.B. : De l'autre côté de la chapelle, où il sont entrain de sévir là encore, il y avait la cour des petits.
Alors ce que je faisais, quand j'étais en classe, j'emmerdais bien deux ou trois mecs, et puis quand ils étaient bien excités, je me barrais en courant dans la cour des grands. Je rentrais comme une fusée. J'appelais mon frangin. Je disais "Guy, Guy !!!". Et je voyais mon frère arriver...Zorro. "Qu'est ce qui se passe ?.". Je lui disais "Il font que de m'embêter". Il castagnait les petits. Ca m'a fait beaucoup rigoler. Et puis je partais après. J'étais content. Après j'étais tranquille pendant deux ou trois semaines parce que j'étais quelque part le chef. Obligé, parce que j'avais un frère grand qui s'occupait de moi. C'était vraiment dégueulasse. J'étais de toute façon un petit garçon très dégoûtant, très méchant.
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Hôtel du Palais à Biarritz.
D.B. : Je me suis barré à la suite d'une punition. J'étais en classe
d'étude. J'ai du faire une connerie ou je n'ai pas du en faire.
J'ai eu une punition, à ce moment là, qui était la punition la plus dure
de l'école. On m'avait envoyé au "téléphone". Ca fait rire comme ça mais
le "téléphone" était une toute petite pièce, vitrée, dans laquelle on
t'enferme, le temps qu'il faut. On te donne des lignes à faire, à copier.
Quand les autres gosses vont se coucher le soir au dortoir, ils passent
devant cette cabine et te font bonjour. Et toi tu es obligé de rester
là sans dormir.
Et comme je connaissais cette punition, je suis sorti avec mon pupitre
et je devais partir avec mon pupitre. Je suis sorti du collège et puis
tout d'un coup, ça m'a pris comme une lubie. J'ai posé le truc dans les
escaliers et puis je me suis barré. Je suis sorti par derrière. J'ai traversé
un champs de blé. Je me suis retrouvé dans un camp militaire, sans faire
exprès toujours.
Et là, comme j'avais mon frère au collège, tout le monde s'est mis à me
chercher, paraît il.
Et je me suis paumé dans la nuit. J'ai fait un peu n'importe quoi parce
que la nuit est tombée ensuite. En repassant par la route j'ai eu une
vision spéciale d'un moment précis ou la voiture du supérieur de l'époque,
qui s'appelait Larive, passait juste à côté de moi. Je me suis mis à quatre
pattes. J'ai vu la tête de mon frère par la fenêtre. Ca m'a beaucoup marqué.
Ensuite je me suis retrouvé au bord de la voie ferrée. Je me suis dit
"...je veux rentrer, je veux voir mon père...". J'ai suivi la voie ferrée
mais dans le mauvais sens. Je me suis barré dans l'autre sens. Au lieu
de partir vers Pau, je me suis retrouvé dans Dax. Et là il m'est arrivé
quelques aventures. Je me suis retrouvé au bord de l'Adour. J'ai traversé
une autre école qui était "L'école des Frères", en pleine nuit. Ils étaient
entrain de faire un feu.
Et puis, finalement, il y a un gars, un grand, ce que l'on appelait un
grand de l'école, qui m'a trouvé, qui était lui un externe. Il m'a dit
que quand même, je devais rentrer. Alors il m'a déposé à l'école et à
ce moment là, j'ai à nouveau pris peur.
Je me suis rebarré et je me suis retrouvé dans la chambre d'un pion qui
s'appelait Régis Legrantéric, je me rappelle, et je me suis foutu sous
le lit. Il n'était pas là puisqu'il était parti à ma recherche. Pleins
de gens du collège ne savaient pas que j'étais rentré.
Je me suis foutu sous son lit. Ca paraît très romanesque mais c'est pourtant
l'exacte vérité mais je crois que c'est ce jour là que j'ai décidé de
faire de la musique, sans le savoir. Parce que c'est pour la première
fois de ma vie, à ce moment là, que j'ai entendu les Beatles. C'était
en 62-63. Et c'était "She loves you". Le transistor était resté allumé.
Et je crois que c'est comme ça que ma vie a commencée. Ensuite j'ai eu
un accueil royal et pour la première fois de ma vie, j'ai eu le droit
de manger au réfectoire des professeurs.
Sur scène, "Mon fils, ma bataille".