Dominique Roger: Les cohortes de reproches vont pleuvoir sur un
titre aussi bizarroïde que "Supporter"... n'est-ce-pas Daniel ?.
Daniel Balavoine: Avec "Supporter", j'ai eu simplement envie de
dire ce qui me plaisait. Pour moi, c'est une chanson sérieuse mais faite
non sérieusement. Avec une note humoristique, par le biais du football,
j'aborde les liens d'amitiés, d'affection qui peuvent se tisser entre
les gens.
Le nouvel album se présente comme une succession d'idées qui m'ont traversé
la tête et que j'ai couché sur le papier avant de les enregistrer. Il
ne faut donc pas rechercher à tout prix une ligne conductrice, un album
concept ou encore moins, un context philosophique. Le titre du L.P., "Loin
des yeux de l'occident", traduit simplement mon ouverture sur le monde
politique et économique extra-occidentale. C'est donc plutôt une image.
Je parle des problèmes des autres, de ceux qui vivent en Argentine, en
Afrique ou en Asie. C'est nullement moraliste, c'est juste pour dire,
pour dénoncer".
D.R.: Oui, mais ce qui me défrise, c'est le titre, la pochette
de l'album qui laisserait supposer une grande unité de ton alors que certains
titres, je songe essentiellement aux "Petits lolos" ou à "Série noire",
cassent l'unité de l'ensemble ?.
D.B.: Pour ma part, chaque chanson a sa raison d'être, à sa place.
Même si certains titres, apparaissent moins fort que d'autres. De toute
manière, la ligne commune de l'album, celle qui relie les titres les uns
aux autres, c'est l'aspect naturels des textes. Ils ont été conçus avec
une extrême rapidité et pas travaillés à l'excès. En gros, j'ai fabriqué
un titre par jour, sur une musique déjà enregistrée. Car, c'est plus stimulant
de travailler avec le groupe que seul derrière son clavier. J'ai donc
imposé une chanson par jour selon un horaire très planifié. Ce sont des
textes sans ratures, sur lesquels je n'ai pas tourné en rond des jours
et des jours. Je me suis dit, tiens, aujourd'hui j'ai envie de parler
de ça ou de ça, à la manière d'un journaliste. Pompeusement, on peut dire
que l'album est le reflet de mes états d'âme mais non surveillés, non
censurés."
D.R.: Le Balavoine de 83 est-il plus révolté qu'auparavant ? .
Depuis une certaine intervention télévisuelle très percutante dans son
fond et dans sa forme, il semblerait que tu désires faire partager au
public certains de tes cris viscéraux ?.
D.B.: Pas plus révolté qu'hier. J'ai simplement voulu m'adresser
au plus grand nombre pour dénoncer publiquement cette catégorie d'individus
qui souhaite une bonne guerre du style "...ça leur fera du bien...". Mes
attaques se tournent uniquement contre ces derniers. Seulement, comme
le langage employé sous le coup de l'émotion et de l'énervement, n'était
guère châtié mais plutôt très familier, on a retenu primordialement que
j'emmerdais les anciens combattants. Or, il se trouve que je respecte
profondément les hommes qui, un jour ou l'autre, combattirent pour la
liberté. Sinon, sur le fond, je ne retire absolument aucun de mes propos.
Je méprise tous ceux qui nous proposent comme seul avenir possible, le
guerre.
D.R.: Pour en revenir au son de l'album, il est, au contraire de
tes textes, travaillé en profondeur. C'est un son très actuel, qui, à
l'instar de ce que fait un Lavilliers avec ses musiciens, mélange rythmes
primaires des percussions et des sons synthétiques beaucoup plus élaborés.
Alors, mode ou pas mode ?.
D.B.: Cette symbiose de sons d'horizons divers résulte de mon évolution
de chanteur et de musiciens. Des tas de titres sont entièrement programmés.
C'est un tout autre mode de réalisation artistique qui permet un travail
plus méticuleux, plus dans la dentelle. De surcroît, à la sortie, le son
est plus dynamique et de plus grande qualité.
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