Daniel
Moyne :
Pourquoi tous ces chinois sur la pochette de ton nouvel album ?.
Daniel Balavoine : Pour moi, la Chine reste un peu un mystère.
C'est le pays dont on sait le moins de choses.
Plein de gens prétendent que là-bas, il y a une espèce de philosophie
établie, ce qui n'est sûrement pas tout à fait vrai d'ailleurs. L'idée
de faire croire qu'en Chine c'est mieux, est séduisante mais, on n'en
sait rien. C'est un peu un rêve. J'ai remarqué qu'à chaque fois qu'un
chinois se faisait filmer, il souriait. On a l'impression qu'ils sont
heureux.
C'est pour cela que le titre de mon album est "Un autre monde". Je suis
beaucoup plus attiré par la Chine que par les Etats-Unis. J'aimerais passer
quelques jours là-bas.
D. M. : Comment peut-on écrire un texte comme "Mon fils, ma bataille"
sans en avoir vécu la situation ?.
D. B. : C'est ça le mérite d'auteur, on a la possibilité d'écrire
des choses qui vous mettent dans la peau d'un personnage complètement
différent. A la base, il y a bien sûr l'histoire du film "Kramer contre
Kramer". On m'a demandé d'écrire un texte en rapport avec le film.
Le travail terminé, je n'étais pas satisfait et surtout, j'étais très
complexé à l'idée d'avoir utilisé une arme démagogique. J'ai eu peur qu'on
ne comprenne pas vraiment ma démarche.
A la suite de cela, j'ai testé cette chanson auprès de gens bien différents
et tout le monde l'a trouvée formidable. Mais, c'est vrai, je n'aime pas
tellement me servir des choses qui touchent trop à la vie.
D. M. : Quant aux neuf autres titres de cet album, raconte-moi
pourquoi et comment tu les as écrits et interprétés ?.
Commençons par "10.000 mètres" ?.
D. B. : Là, c'est d'après un projet beaucoup plus ancien : j'avais
envie de faire réaliser un album avec chaque page d'un journal. Entre
parenthèses, j'espère qu'on ne me piquera pas l'idée. Donc, c'est une
personne qui raconte un article.
Dans, "10.000 mètres", c'est un gars qui commente la course de la veille.
C'est aussi une chanson sur la solitude du coureur de fond.
D. M. : "Bâteau toujours" ?.
D. B. : Comme j'ai fait des choeurs dans le disque de Michel Berger,
je tenais à ce qu'il apporte quelque chose dans le mien. Donc, au début,
il était question que Michel joue du piano, mais ça m'embêtait car n'importe
qui peut jouer du piano.
Le problème n'était pas évident : je voulais que ça se sache et que ça
soit présent. Alors, j'ai essayé de trouver une chanson qui corresponde
à ça et qui soit simple. Michel et moi avons fait les arrangements à deux.
J'ai réussi à convaincre Michel qu'il réalise cette chanson comme si c'était
pour lui.
D. M. : "Lipstick polychrome" ?.
D. B. : Dans cette chanson, la musique prédomine. C'est Colin Swinburne,
le guitariste de mon groupe qui assure le chorus de guitare.
Il y a d'ailleurs, dans cette chanson, des instruments dont on se sert
rarement, comme le trombone. Lorsque je l'écoute, c'est comme s'il s'agissait
de quelqu'un d'autre. C'est un moment de musique, un bol d'air. Une chanson
de groupe.
D. M. : "Je ne suis pas un héros" ?.
D. B. : Cette chanson a une histoire que beaucoup connaisse puisque
c'est un titre que j'avais écrit pour Hallyday. D'ailleurs, Johnny m'avait
dit : "...Pourquoi tu ne la chantes pas ? ...". A l'époque, je n'y pensais
pas du tout. Donc, Johnny l'a enregistrée mais, sans le mettre en cause,
ce n'est pas devenu ce que je souhaitais. Je pensais vraiment que ce serait
la chanson numéro un d'Hallyday cette année car personne n'avait jamais
fait ça avec lui avant. Ce que j'aurais aimé, c'est réaliser la chanson
avec Johnny, faire les claviers.
Enfin, j'espère que ce n'est pas terminé et qu'on retravaillera ensemble.
C'est pour cela que j'ai chanté cette chanson un peu comme j'aurais aimé
que Johnny la chante. Je lui dédie d'ailleurs cette chanson.
D. M. : "Détournement" ?.
D. B. : C'est mon morceau préféré. Cette première chanson de la
face B est pour ainsi dire le commencement de ce que je veux faire musicalement.
Cet album est une progression musicale. Sur la face A, on trouve des chansons
plus près de ce que j'ai fait auparavant, alors que la face B dégénère
complètement. Ca ressemble à une musique de groupe. Ce que je veux imposer,
c'est la communion parfaite entre mes musiciens et moi.
"Détournement" est l'expression de tout ce que j'ai envie de dire en ce
moment.
D. M. : "La vie ne m'apprend rien" ?.
D. B. : Cette chanson est l'explication de la précédente. C'est
un peu difficile d'en parler. J'essaie de raconter pourquoi un mec détourne
un avion. Il y a dedans certaines mises au point.
D. M. : "Allez hop !" ?.
D. B. : C'est un peu un gag. Mon frère en est le parolier. Il a
pensé écrire un texte avec toutes les phrases établies qui définissent
la virilité. Cette chanson veut un peu dire : on n'aime pas les femmes
bêtes qui veulent que les mecs soient supermen et il y a des mecs que
ça ennuie profondément et moi j'en suis un, voilà.
D. M. : "Mort d'un robot" ?.
D. B. : C'est Patrick Dulphy, mon guitariste, qui a écrit le texte,
à partir d'une de mes idées : un robot qui parle, qui a des sentiments
et comme il n'est qu'une machine, lorsqu'il tombe en panne, on le jette.
Un parallèle avec ce qui arrive à un homme lorsqu'il tombe amoureux et
que la fille l'abandonne. C'est ce qui arrive également aux chanteurs
un jour. Ils sont géniaux; le public les adore et quelques temps plus
tard, on les oublie, on passe à un autre.
D. M. : "Un autre monde" ?.
D. B. : Donner une certaine suprématie à la musique instrumentale
me tente beaucoup. Ce titre annonce un peu la couleur.
J'en ferai d'ailleurs de plus en plus, sur scène. Dès l'Olympia, au mois
de mars, je ferais des morceaux instrumentaux. Les musiciens vont beaucoup
intervenir dans mes spectacles cette année. Mon spectacle sera plus dur
musicalement.
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