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Interview accordée à Daniel Moyne pour le journal "Salut !", début 79.

 

Daniel Moyne: Ta chanson "Le chanteur" correspond-elle à l'idée que tu as de ce métier, ou à ce que tu ne veux pas être ?.

Daniel Balavoine: Ce n'est ni l'un, ni l'autre. Cette chanson est un mélange des fantasmes des chanteurs : le côté réussite, additionné à la vision qu'ont les gens sur les artistes. Le public suppose que l'on veut que les filles se jettent sur nous, etc. On ne veut pas obligatoirement être des idoles. Il ne faut pas confondre réussite et gloire.

D.M.: Ce dernier 33 tours est-il, à ton avis, supérieur aux disques précédents puisqu'il a mieux marché, ou est-ce simplement une question d'époque ?.

D.B.: Je crois qu'il est supérieur, que les chansons sont mieux faites, plus concises, et que je chante mieux. Si je disais que les autres étaient mieux, ça voudrait dire que je n'ai pas été compris. J'ai toujours reporté mes demi-échecs sur moi. Les chansons ont le succès qu'elles méritent. "Lady Marlène" a quand même bien marché, mais j'espérais mieux. A mon avis, il devait manquer quelque chose. Je crois que le moment compte aussi.

D.M.: Penses-tu que le fait d'être au hit-parade soit important ?.

D.B.: Bien sûr, c'est indispensable lorsqu'on est dans les 15 premiers. Cela veut dire que l'on vend du disque. Il y a aussi des gens qui n'y sont pas et qui vendent du disque. Je ne veux pas faire de la soupe, mais je veux toucher beaucoup de personnes d'âges et d'opinions différents.

D.M.: Cet album est un succès. Est-il difficile de préparer le suivant?

D.B.: Je croyais, mais en fait c'est exactement pareil. Dans ma mauvaise période, je n'en avais plus rien à foutre. J'ai déjà six musiciens. Ce sera encore plus agressif que "Le chanteur".

D.M.: Enfant, quel métier voulais-tu faire ?.

D.B.: J'ai voulu faire plein de métiers dont celui de député, pour accomplir des choses bien dans ma région. Quand je me suis aperçu qu'en étant chanteur, c'était presque la même chose, je n'ai pas hésité...

D.M.: Comment ce sont déroulés tes premiers pas dans ce métier ?.

D.B.: Avec un groupe qui s'appelait "Présence", en 1971, et un quarante-cinq tours tout seul. Ensuite, j'ai beaucoup traîné dans les studios. J'ai été choriste, et c'est ainsi que j'ai rencontré Juvet, et qu'a débuté notre collaboration. Puis, mon premier album.

D.M.: N'est-ce pas frustrant pour un compositeur, d'interpréter des chansons d'un autre compositeur ?. Je parle de "Starmania".

D.B.: C'est une expérience qui m'a beaucoup aidée car j'ai enregistré "Starmania" avant mon album. Lorsque Michel Berger m'a demandé de chanter ses chansons, j'ai fait le maximum pour ne pas avoir l'air d'un con. Interpréter vraiment ses textes m'a appris à interpréter les miens.
Il fallait que je lui fasse sentir que j'avais compris ses textes. Ca m'a beaucoup aidé pour l'interprétation du "Chanteur". Je ne le referai pas souvent, mais dans le cas de "Starmania", c'était important.

D.M.: Es-tu un noctambule ?.

D.B.: Non, pas du tout. Je suis casanier. Je reste chez moi. Il y a des périodes où je sors, mais ça dure une semaine dans l'année. Autrement, restaurant, cinéma et je rentre. En revanche, je me couche tard car je lis beaucoup. Je m'ennuie dans les boîtes et je n'aime pas le whisky.

D.M.: Es-tu un fervent téléspectateur ?.

D.B.: Moins en ce moment. Cela dit, je suis assez porté sur les films, les débats, les variétés par intérêt professionnel. Je regarde beaucoup Drucker et les "Numéro 1". Ce sont des émissions bien faites. Le ciné-club aussi, et les séries américaines. Ca me détend.

D.M.: Si tu avais un choix à faire entre ta carrière et ta vie privée, que choisirais-tu ?.

D.B.: Ma vie privée. Je ne le ferais que si c'était un choix que je posais moi-même. Si j'avais à choisir entre ma femme, mes enfants, et mon métier, je n'hésiterais pas. En revanche, si c'est la femme avec qui je vis qui me pose cette question, je penserais qu'elle ne m'aime pas tel que je suis. Donc je choisirais mon métier. Si je sens que mon métier va créer un malaise dans ma vie privée, j'arrêterai.

D.M.: As-tu des projets professionnels en dehors de la chanson ?.

D.B.: Le cinéma avec la musique du film des frères Jolivet, qui est produit par Claude Lelouch. J'ai déjà beaucoup avancé sur ce projet. Ca ressemble à ce que je fais. C'est un peu baroque, avec des chansons comiques.

D.M.: Es-tu sensible à la musique disco ?.

D.B.: A la bonne musique disco, oui. Je suis sensible à toutes les musiques. Quand j'entends les Bee-Gees, je trouve ça super. En revanche, Boney.M, ça ne me plaît pas. J'aime certains passages de Cerrone mais je n'en suis pas fanatique. Chez moi, il n'y a pas d'albums disco. Dans les boites, je préfère écouter Barry White ou Stevie Wonder. C'est génial et ça me paraît plus intéressant.

D.M.: Penses-tu que les goûts des jeunes soient différents de ceux que tu avais lorsque tu étais adolescent ?.

D.B.: Non, absolument pas. La musique a évolué, mais il y a toujours le même genre de clientèle, les mêmes catégories. Il y a le clan Sheila, le clan rock anglophone systématique et snob, le clan variétés en avance, style nouvelle génération. Maintenant il y a peut-être plus d'échanges entre ces clans. Certains possèdent le dernier 45 tours de Sheila et celui du "Chanteur". D'ailleurs je n'en vendrais pas autant si ce n'était pas le cas.

D.M.: Que penses-tu des chanteurs de la "Nouvelle Génération" comme Yves Duteil et Alain Souchon, et dont tu fais partie ?.

D.B.: Il y en a que j'aime, et d'autres que je n'aime pas. Il me semble que dire "La nouvelle chanson française", c'est un peu une bêtise. Car elle a toujours existé, elle a tout simplement mûri. C'est une suite logique. Il y a des chanteurs du moment qui seront remplacés par d'autres. J'aime beaucoup Duteil et Souchon. J'admire la technique d'écriture de Duteil. Souchon, je l'ai vu à L'Olympia. J'ai été abasourdi par le personnage, il est fantastique.

D.M.: Y-a-t'il un jeune chanteur qui retienne ton attention et qui n'ait pas encore percé ?.

D.B.: Oui, bien sûr. Il y en a un qui s'appelle Joseph Reynart. Il a une voix extraordinaire. Je viens de lui écrire une musique. J'en admire un autre qui a percé sans percer : c'est Michel Jonasz. Je ne comprends pas pourquoi. Il a une chanson qui s'appelle "Je ne veux pas que tu t'en ailles", j'étais persuadé que ce serait un tube énorme. Sa réussite va venir, c'est une question de minutes. Ca me gêne un peu de dire ça de Jonasz car c'est le talent le plus énorme que l'on ait en France.

D.M.: Beaucoup de chanteurs enregistrent à l'étranger. Penses-tu que ce soit nécessaire pour la réussite d'un disque ?.

D.B.: Absolument pas. La preuve, le mien a été fait en France. Je crois qu'il y a une part de snobisme. Il est vrai que là-bas, les musiciens sont extraordinaires. Pour les studios et les ingénieurs du son, on en a de bons. C'est aussi une manière pour "attirer" la clientèle. Juvet a réussi car ça correspond tout à fait à ce qu'il recherchait et je trouve ça bien. Je ne dis pas que je ne le ferai jamais, mais mon quatrième album, je l'enregistrerai avec mes musiciens, au Studio Damiens à Boulogne. C'est tout petit, mais c'est un paradis.

D.M.: Dernièrement, Johnny me disait de toi que tu étais la vedette de demain. Il trouve que tu as beaucoup de talent. Quelle est ta réaction devant ces compliments ?.

D.B.: C'est étonnant. Surtout à cause de ma voix car on n'a pas le même style : je n'ai pas une vois très rock. Son opinion prouve que je le sous-estimais dans la mesure où je pensais qu'il n'aimait que les chansons rock. Ces compliments me vont droit au coeur. C'est un peu le but de tous les chanteurs que de s'attirer ce genre de mots de la part d'artistes de la dimension d'Hallyday. C'est une concrétisation. Ce n'est pas plus que la réaction du public. C'est plus intime, plus touchant au niveau du prestige.

D.M.: N'as-tu jamais eu envie de composer une chanson pour Johnny ?.

D.B.: Ecrire pour les gens m'ennuie. Je l'ai fait pour Juvet car il me l'a demandé. Bien sûr, il y a deux personnes pour lesquelles j'aimerais bien travailler. Il y a d'abord Hallyday. Je l'ai encore vu, l'autre jour à l'émission de Drucker. J'ai été écrasé par sa personnalité. J'avoue que si j'entendais une de mes musiques sortir de sa bouche, ça ne me déplairait pas du tout. Il y a aussi Christophe. Ce sont les deux chanteurs qui m'intéressent le plus par leur personnalité. Dernièrement, j'ai fait une chanson et plusieurs personnes m'ont dit qu'elle serait bien pour Johnny. Si dans ce que je fais, Johnny pouvait trouver son bonheur, ça ferait le mien aussi. Si un jour on se croise et qu'il trouve une de mes chansons bonne, je la lui donnerai volontiers. Mais aller frapper à sa porte pour lui proposer des titres, je ne saurais pas le faire. Ah ! l'idée que Johnny puisse chanter une de mes chansons ! ... Mais je pense que ça ne se fera pas.

D.M.: Considères-tu que la presse et les photos soient indispensables pour mener à bien une carrière de chanteur ?.

D.B.: C'est indispensable ! . Je te cite un exemple précis. Je vais arrêter un peu de faire de la radio et de la télévision, car je trouve que l'on me voit trop. Et le fait de sentir derrière moi la garantie que la presse va continuer à rouler pendant ces deux mois d'arrêt, ça me rassure. J'aime la presse, j'aime les critiques. Je montre ce que j'ai envie de donner de ma vie, quelquefois privée. C'est une chose qui fait partie de notre métier.

 

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