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Francis Cabrel

 

Dormir debout
Paroles

"Sacrée soirée" sur T.F.1 le 10 janvier 1990

Interview de Thierry Séchan et Marc robine
magazine "Paroles et Musiques", N°21 septembre 1989.

Interview de Bernard Maryse
magazine "Paroles et Musiques", janvier 1990. Francis Cabrel confiait son sentiment vis-à-vis de Daniel Balavoine.

 

 

Interview réalisée par Thierry Séchan (le frère de Renaud) et Marc Robine pour le magazine "Paroles et Musique" (N°21 de septembre 1989)

Interviewer: Au milieu de toutes ces préoccupations, vous dédiez une chanson de votre dernier disque à Daniel Balavoine ("Dormir debout").
Quels étaient vos rapports avec lui ?.

Francis Cabrel: Je ne l'ai croisé que 4 ou 5 fois dans ma vie. Ce n'était pas quelqu'un que je côtoyais beaucoup. Mais, par contre, la dernière fois qu'on s'est vus, c'était au Palais des Congrés. Il faisait son album, et moi, je faisait le mien dans le studio adjacent. On a discuté, et il m'a filé des coups de main... Il était en train de faire son plus bel album. Déjà, je l'aimais beaucoup ; mais avec cet album là...

I.: Et Paris-Dakar, ça ne vous gênait pas ?.

F.C.: Si, Paris-Dakar, ça m'a toujours gonflé.

I.: Vous en avez parlé ?.

F.C.: Je ne me souviens pas. Mais je sais qu'il avait une action humanitaire en parallèle. Il distribuait des motopompes. C'est vrai que, moi...ça me gêne...ce rallye...au milieu des gens qui crèvent ; ces camions pleins de petits déjeuners qui traversent le désert. Ca m'a toujours heurté. Mais lui, il avait libéré sa conscience en distribuant des motopompes ; et je trouve que c'était une bonne idée.

I.: Encore le "charity business" ?.

F.C.: C'est vrai qu'il y a des gens qui font leur promotion sur l'Afrique, oui. Mais Balavoine m'intéressait parce que c'était un créatif. Quelqu'un qui se remettait plus ou moins en question à chaque album. Il avait une inventivité extraordinaire. C'était un chanteur installé, il aurait pu se laisser aller à la facilité ; et pourtant, il n'a pas fait des choses si faciles que ça. Il était courageux, dans sa carrière comme dans la vie. C'est le mec qu'il nous faudrait aujourd'hui, parce que c'était un meneur. Comme Coluche. Malheureusement, ils ne sont plus là, ni l'un, ni l'autre.
Mais pour en revenir à cette chanson, c'est juste un hommage sympa et pas trop larmoyant. Je ne voulais pas faire dans le genre "...il n'est plus là...". Il aimait la musique qui bouge, alors, j'ai fait une chanson qui bouge. Un petit clin d'oeil, quoi...



En janvier 1990, dans le magazine "Paroles et Musique", Francis Cabrel confiait à Bernard Maryse son sentiment vis-à-vis de Daniel Balavoine.


"...J'étais chanteur de bal. Lui, il avait déjà sorti un album en 1975, "De vous à elle en passant par moi". Il y avait une chanson, "Couleurs d'automne", que j'adorais et que je chantais dans les soirées. Je ramais parce que ça montait très haut ! . Ensuite, il avait fait "Vienne la pluie" en pleine période de sécheresse - l'été 1976 - que j'ai mis à mon répertoire. Avant même de le connaître, je l'aimais bien. Et quand j'ai fait mon premier album en 1977, la FNAC, rue de Rennes, organisait des rencontres entre de jeunes chanteurs et le public. On pouvait inviter quelqu'un. Moi, j'avais dit : "J'aimerais bien que Daniel Balavoine soit là.". A mon grand étonnement, il est venu. Il ne m'avait jamais vu ni entendu. Par la suite, on s'est croisé plusieurs fois, mais toujours trop rapidement. J'aurais aimais le voir davantage, mais bon... La fois où nous avons pu nous rencontrer plus longuement, c'était au Palais des Congrés. Il enregistrait "Sauver l'amour" au Studio A, et moi, "Photos de voyage", dans celui du fond. J'avais un mal de gorge fou, et il m'a filé plein de médicaments qu'il avait dans un mallette à pharmacie. C'était un grand bavard, nous avons bien rigolé...
Mon admiration pour Daniel Balavoine a connu une évolution croissante. C'est pourquoi j'ai ressenti le besoin, dans mon dernier album, de lui dédier une chanson, "Dormir debout". La façon dont il a disparu subitement et cruellement pour tous les gens qui l'aimaient, l'énorme trou que ça laisse dans le paysage musical français, c'est comme si on perdait Jonasz dans un catastrophe. Il y a une dizaine de gens comme ça qui sont primordiaux. Balavoine était l'un des plus représentatifs de par son don d'invention et les risques qu'il a pris, tant dans son discours que dans sa musique. C'est comme quand on a perdu Jimi Hendrix quand j'avais 17 ans. Il te manque quelqu'un... J'imagine ce que Daniel aurait fait aujourd'hui. Il atteignait sa pleine maturité avec le temps et la sérénité. tout d'un coup, ça l'a fauché...
J'aimais ses coups de gueule. Avec lui et Coluche, les jeunes avaient des mecs qui étaient intelligents, incisifs, moqueurs, insolents... Depuis qu'ils ont disparu, le discours politique n'a plus à se méfier de la satire que faisait Coluche, ni de l'analyse froide et déterminée de Balavoine. C'était vraiment deux points de feu que les politiciens pouvaient craindre. Aujourd'hui, ils ont l'âme plus tranquille pour balancer leurs conneries. Moi, je ne suis pas assez sûr de moi pour les remplacer en quoi que ce soit. Quand je suis devant un micro, je n'ai qu'une envie, c'est de disparaître dans un trou de souris. Renaud, il ne sait pas trop non plus. Goldman, c'est le mec discret aussi. Il ne reste plus que des mecs discrets. Alors qu'il faudrait malgré tout, quelqu'un qui monte au créneau..."

 

Extraits d'hommages rendus à Daniel Balavoine, issus de l'émission "Sacrée soirée" sur T.F.1 le 10 janvier 1990.

(Francis Cabrel qui va interpréter "Petite Angèle".)

J.P.F.: Est-ce-que vous vous connaissiez bien, tous les deux, Daniel et toi ?.

Francis Cabrel: Je pense qu'on s'aimait beaucoup mais on ne s'est pas rencontré tellement souvent. Excepté sur quelques plateaux télé. Mais ça va tellement vite sur les plateaux télé que l'on n'a pas le temps de parler très longtemps.

J.P.F.: Est-ce que ces rencontres furtives suffisaient à bien se connaître, en tout cas à bien s'apprécier l'un l'autre ?.

F.C.: Moi, déjà, je connaissais tous ces disques. Je pense que lui devait connaître quelques unes de mes chansons. On savait qu'on s'aimait. Il y avait un respect, une espèce d'estime forte. On avait chacun un emploi du temps trop mouvementé pour qu'on devienne vraiment des amis. Je ne peut pas dire que j'étais un ami de Daniel Balavoine. Un bon copain, certainement.

J.P.F.: Il y avait une cohabitation pendant l'enregistrement de certaines chansons dans un studio ?.

F.C.: C'était il y a donc 3 ans et un peu plus. Moi, je faisais mon album précédent et lui enregistrait ce qui devait être son dernier album "Sauver l'amour", dans deux studios mitoyens. Et donc, pendant nos heures de breaks. On bavardait. Il se foutait pas mal...il se fichait pas mal de mon accent, je dirais. C'est comme ça que les conversations commençaient toujours.

J.P.F.: Alors, la chanson que tu vas chanter ce soir ?.

F.C.: C'est la "Petite Angèle" qui a toujours été parmi mes favorites. J'avais découvert cette chanson, en studio, avant que le disque ne sorte. Et puis je me suis aperçu aussi que c'était une des plus chantable.

J.P.F.: C'est à dire une des plus faciles ?.

F.C.: Des plus faciles à chanter puisque Daniel avait une tessiture extrêmement large. Quand j'ai voulu chanter autre chose que la "Petite Angèle", je me suis rendu compte que ce n'était pas facile. Ca montait très très haut. Donc, celle là correspond exactement à ma tessiture, ce qui est parfait. Et encore j'ai du mal. Vous allez voir, je vais grimacer plusieurs fois.


Dormir debout

(à Daniel Balavoine)

J'ai dû dormir debout,
Pas un mot, pas un geste
L'homme qui pouvait sauver l'amour
Est parti sans laisser d'adresse
Quelque part au ciel
J'attends des nouvelles
Mais les étoiles sont floues.

Il est tombé autant de pluie
Que tout l'amour qu'il mérite
L'homme qui courait après Lucie
Est parti quand même un peu vite
Dans les mauvaises fables,
Dans les vents de sable,
Le diable est partout.

J'ai dû dormir debout.
...Dormir debout.

C'est une histoire de fous,
Tout ce vide que tu laisses
L'homme qui pouvait sauver l'amour
Est parti sans laisser d'adresse
Au ciel, quelque part, difficile à voir,

Quand t'es K.O. debout...

Des millions de lumières,
Accrochées aux barrières,
De ce temps qui gâche tout,
Comme des signaux pour lui dire,
Qu'y a déjà des rivières,
Au milieu des déserts.
Et des champs de cailloux.
Et qu'on lui gardes surtout,
Et qu'on lui gardes surtout,
Sa place au milieu de nous.

...Au milieu de nous...

Juste au milieu de nous,
Pour tout le temps qu'il nous reste,
L'homme qui pouvait sauver l'amour
Est parti sans laisser d'adresse.
Dans le fond du ciel,
Jusqu'au murs des hôtels,
Les étoiles sont floues.

J'ai dû dormir debout.
...Dormir debout.
J'ai dû dormir debout.
...Dormir debout.

J'ai dû dormir...
...Debout...

 

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