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Emission "L'invité du jeudi" du 12 novembre 1981 sur Antenne 2

(Merci à Mondony pour la retranscription de cette émission dans son intégralité)



C'était encore le temps des émissions réalisées dans les conditions d'un direct réel avec une liberté d'expression qui a bien disparue de nos écrans, aujourd'hui très policés, en particulier par les animateurs.
On retrouve Daniel tel quel qui s'exprime sur la Chanson Française, sa jeune carrière, la navette spatiale, la moto, la scène, l'argent, le cinéma, les maîtres à penser.
Daniel revient également, un an plus tard, sur l'incident télé face à Mitterrand. Il en profite pour l'interpeller à nouveau, via la télé, au sujet des radios libres.
Ses invités sont Pierre Rapsat, Bertrand Tavernier, Jean Botherel, Patrick Meyer. L'émission est présentée par Didier Lecat. Le dessinateur Cabu intervient à deux moments de l'émission.
Il manque cinq minutes à la conclusion de l'émission dont l'essentiel est ici retranscrit.



Didier Lecat : Bon après-midi, bonjour Daniel

Daniel Balavoine : Bonjour.

D.L. : L'actualité nous commande cet après-midi. On rejoindra dans quelques instants le journal pour le lancement de la navette spatiale américaine.
Vous qui aimez l'actualité, je pense que ça vous intéresse. Et vous devez être heureux d'ailleurs que la navette parte dans votre émission.

D.B. : Ca nous fera un indice d'écoute plus fort. C'est ça ?. S'il y a plus de gens qui regardent encore, c'est parfait !. C'est bien !.

D.L. : Alors, Daniel Balavoine, bientôt 30 ans.

D.B. : Oui, dans pas longtemps...deux mois et demi...trois mois.

D.L. : Une solide expérience de la scène et du disque.

D.B. : Un début solide d'expérience.

D.L. : Quatre, cinq ?.

D.B. : Le disque ça fait...
Finalement j'ai enregistré le premier disque il y a une dizaine d'années donc ça fait une bonne dizaine d'années.
La scène ça fait pas longtemps, c'est plus frais. C'était il y a deux ans. Premier Olympia, il y a deux ans. J'avais fait de la scène avec des groupes de rock mais c'était différent. Tout seul, avec des copains nouveaux, c'était il y a deux ans.


D.L. : Alors vous êtes dans le groupe de tête de ce que l'on a appelé - et je trouve que ce n'est pas à tort d'ailleurs - la "Nouvelle Chanson". Parce qu'elle a renouvelé quand même un art traditionnel et très ancien.

D.B. : Je ne sais pas. "Nouvelle", je ne sais pas. Une "Autre" chanson. Je préférerais que l'on dise une chanson "Différente". Un état d'esprit différent dans la chanson. Ce n'est pas une "Nouvelle Chanson". La Chanson Française a toujours existée.

D.L. : Et vous n'avez - mais ça tout le monde le sait - ni les idées, ni votre langue dans la poche. Et si vous avez lu, comme moi, les journaux de ce matin, vous savez qu'on vous attend cet après-midi.

D.B. : Ben ça prouve qu'il n'ont pas grand chose d'autre à faire et c'est surtout ça qui est grave. Je suis très content qu'ils m'attendent, cela dit je suis très flatté. Mais je trouve qu'il y a des événements plus graves en France en ce moment que d'écouter Balavoine à la télé si vous voulez...

D.L. : Ne vous plaignez pas...

D.B. : Non mais d'un autre côté, comme tout artiste, j'ai ma petite pointe de mégalomanie et c'est toujours agréable de se voir dans chaque quotidien.
Mais enfin, je signalerais à ces gens là, pendant l'émission, qu'il y a peut-être d'autres sujets qui sont un peu plus préoccupants que l'opinion...

D.L. : C'est peut-être pour ça qu'ils vous écoutent d'ailleurs parce que vous avez des choses à dire sur des sujets qui sont intéressants.

D.B. : Enfin néanmoins, c'est peut-être eux qui devraient me les faire remarquer quand je les oublient...

D.L. : Ca c'est de la fausse modestie...

D.B. : Non, non...on verra.... Soyons gais !!.

D.L. : Bon alors...tout le monde croit que vous êtes né dans le sud-ouest mais vous êtes né à Alençon ?.

D.B. : Je suis né à Alençon, dans l'Orne. Mes parents ont faits les cochonneries qu'ils avaient à faire où ils pouvaient. Il se trouve qu'un jour, ils les ont faits en Normandie et c'est là que je suis né. Ca ne me gêne pas du tout d'ailleurs.

D.L. : Le sud-ouest, vous y avez habité, vous y avez fait vos études ?.

D.B. : Oh oui. J'ai fait mes études dans le Pays Basque. Au début à Hasparren puis à côté de Bordeaux. J'ai fait des études à Pau aussi. Donc dans le sud-ouest.
Bordeaux, Biarritz, Pau, le Pays Basque, les Landes - mes grands parents étant des Landes .
Donc je me sens peut-être - sans vouloir frustrer ou vexer les normands - peut-être un petit peu plus de là-bas.

D.L. : C'est mai 68 - et je trouve ça très conformiste d'ailleurs - qui a fait votre destin, qui l'a changé.
Et vous êtes monté à Paris, comme tout le monde, vous, Daniel Balavoine...

D.B. : C'est peut-être le seul point où je me sens anticonformiste. C'est mai 68 qui m'a empêché d'aller plus loin finalement. C'est l'inverse. Je devais faire le Droit, Sciences Politiques, l'E.N.A. etc.

D.L. : Vous seriez ministre...

D.B. : Non, ne parlons pas de malheur !! . Je ne voulais pas mal tourner! . Je n'ai pas dis ça! . J'ai dit simplement que je voulais faire des métiers qui concernaient la politique, le social etc.
Je m'aperçois finalement que l'on peut s'en occuper plus à l'aise et beaucoup mieux quand on n'est pas ministre que quand on l'est. Parce que je vois que ceux qui ne l'étaient pas il y a six mois, s'en seraient occupé apparemment très bien. Mais depuis qu'ils y sont, ils s'aperçoivent que ça n'est pas exactement pareil. Ce qui veut peut-être dire qu'ils n'en sont peut-être pas tous capables d'ailleurs.

D.L. : Je regarde l'heure pour ne pas rater la navette spatiale.
Dans cette émission qui est la votre, il y aura Pierre Rapsat...

D.B. : Oui, c'est un chanteur belge remarquable.

D. L. : On le présentera mieux tout à l'heure. Le cinéaste Bertrand Tavernier, vous souhaitiez le rencontrer.

D.B. : Oui.

D.L. : Le journaliste-écrivain Jean Botherel que vous connaissez.

D.B. : Voilà, je lui ferai ma déclaration d'amour à l'antenne.

D.L. : Il a écrit "Un prince" qui est un livre très curieux, que vous avez dû dévorer.

D.B.: Je n'arrive pas à le dévorer. C'est bien plus grave que ça.
J'en suis à la page 40 parce que je me disais, je vais prendre un crayon, souligner ce que j'aime bien etc. Et puis je m'aperçois qu'il y a à peu près une ligne à souligner à chaque ligne.

D.L. : Nous verrons ça tout à l'heure avec lui. On parlera des radios locales ou libres. On parlera de beaucoup de choses. On parlera d'un certain journal télévisé d'Antenne 2 avec François Mitterrand. Vous nous direz en le regardant à nouveau ce que vous en pensez. On ira à Cabourg pour une émission un petit peu gag. On verra ce que fait Cabu.

D.B. : Oui, tant pis !

D.L. : Tant pis pour vous. Et puis, on verra aussi votre journée. Nous allons tout de suite rejoindre le journal, Georges Leclerc, pour le lancement, nous l'espérons en tout cas, de la navette spatiale.

(Journal puis retour plateau).

D.L. : On va accueillir quelqu'un que vous connaissez bien. C'est vous qui nous en avez parlé.
On va lui demander de se mettre en place. On est un tout petit peu bousculé.
C'est Pierre Rapsat. Vous pouvez peut-être nous le présenter.

D.B. : Pierre Rapsat, c'est une jeune fille que je connais bien sous plein d'angles, une belge aussi, qui me l'a fait découvrir...

D.L. : Annie Cordy ?

D.B. : Non, non. C'est une jeune fille d'abord...j'ai dit.
Ce qui ne veut pas dire qu'Annie Cordy soit une vieille fille, c'est une dame.

D.L. : Alors, Pierre Rapsat.

D.B. : Alors Pierre Rapsat, je ne sais pas trop quoi dire quand on aime les gens, ça fait toujours un peu tube de pommade. Je dis simplement que j'ai beaucoup d'admiration pour lui. Il fait une musique originale et non pas marginale, ce qui est beaucoup moins gênant. Ca l'amènera fatalement à un moment donné à être connu, ce qui est peut-être la pire chose qui lui arrivera. Il est déjà très connu en Belgique et très apprécié. Il commence à l'être en France et je souhaite de tout mon coeur, par amitié et par affection que tout ça lui arrive le plus vite possible.

(Chanson Pierre Rapsat).

D.L. : Pierre Rapsat va nous rejoindre. On va peut-être pouvoir parler quelques minutes avant de retrouver le journal d'Antenne 2 pour cette navette qui a encore des problèmes apparemment.

D.B. : Non mais c'est pas grave. Ca va s'arranger...les problèmes de navette s'arrangent toujours.

D.L. : Alors... (s'adressant à Pierre Rapsat)...vous êtes une vedette belge, ultra-célèbre en Belgique. Vous avez fait 6 albums je crois ?.
Ce qui est tout a fait anormal, c'est que vous devriez être connu en France depuis longtemps ?.

Pierre Rapsat : Oui, bon, il se fait que je ne suis pas beaucoup passé en radio et en télévision. Donc forcément...je ne suis pas très connu.

D.L. : Comment vous vous êtes connus ?. Dans une tournée en Belgique ?.

D.B. : Non, non. Pas du tout. Je l'ai découvert tout d'abord sur des disques à travers...ne nous cachons pas plus longtemps...à travers ma fiancée, tout simplement, qui aimait beaucoup ce que faisait Pierre, que je ne connaissais pas.
Comme ils sont du même pays, un jour, à l'occasion d'une émission qui s'appelait "Numéro 1", que je partageais avec un monsieur qui s'appelle Louis Chédid... comme on pouvait inviter qui on voulait également dans cette émission là... de préférence des artistes de la même maison de disques...j'ai eu le plaisir... sans vouloir parrainer parce que je me considère comme lui, sans fausse modestie, aucune...je me trouve vraiment à égalité et...la notoriété de différence va rétablir les choses rapidement.
On s'est connu ce jour là parce qu'il chantait une chanson qui s'appelait "Poupée mécanique" et puis ainsi de suite parce que j'aime ça...

D.L. : Vous avez des points communs sur le plan musical ?.

P.R. : On ne fait pas la même chose mais on essaye de faire la même chose dans le même esprit, de la même façon, avec des groupes, avec des musiciens.

D.L. : Comment peut-on définir cette musique si tant est que ce soit possible ?.

P.R. : Du rock. Je crois que Daniel comme moi, on a été très influencés.
On a baignés dans tout ce qui était rock'n roll dans notre jeunesse et c'est ça qui a donné envie de prendre une guitare et de chanter.

D.B. : C'est à dire que...je ne vais pas commencer à lancer des flèches parce que ça ne sert à rien. Il n'y a que les gens de la presse spécialisée rock française qui ne s'aperçoivent pas que l'on fait de la rock music.
J'ai vraiment l'impression de faire de la rock music au même titre qu'Alain Chanfort, que Michel Berger, que Pierre Rapsat, qu'Higelin.

D.L. : C'est un label de faire de la rock music ?.
Vous avez l'air de dire que c'est beaucoup mieux que le reste ?.

D.B. : Ca veut dire en tout cas que c'est beaucoup plus volontaire que le reste. On donne le meilleur de nous-mêmes.
Ca veut dire que l'on fait une musique volontaire qui n'est pas une simple copie conforme des vieilles traditions françaises c'est à dire soit de Léo Ferré, de Brel, de Brassens, de Bécaud, d'Aznavour etc. On essaie de faire une musique volontaire qui tend vers certaines choses, je ne dirais pas nouvelles mais différentes...

D.L. : Il y a la navette. Pierre Rapsat, on a entendu une chanson d'un disque que vous venez d'enregistrer. C'est une occasion pour vous dire que l'on vous attend en France.
Revenez quand vous voulez, via Balavoine ou via d'autres...

D.B. : Via tout seul. Je crois qu'il est question qu'il vienne au mois de janvier à la télévision, à Antenne 2, avec un long show qui s'appelle "Bizzarrostil".
J'espère qu'Antenne 2, passera comme promis ça. Ca serait formidable.

D.L. : Georges Leclerc au journal.

(Journal-lancement de la navette)

D.L. : Merci Georges Leclerc. Nous sommes heureux d'avoir vécu cet événement en direct.
Ca n'a pas l'air de vous fasciner outre mesure l'aventure spatiale.

D.B. : Non pas spécialement. Je ne veux pas rentrer dans la catégorie des gens qui disent que l'on ferait mieux de garder l'argent pour faire autre chose. J'imagine que si l'on fait ça, c'est que ça doit avoir une utilité quelque part. Tant qu'elle n'est pas militaire, tant qu'elle n'est pas guerrière...
On ne va pas cracher sur le progrès en permanence. Ce n'est pas une chose qui me fascine. Si, Gagarine à l'époque, quand j'étais petit, je trouvais ça très rigolo. Les premiers qui sont sortis dans l'espace avec le cordon ombilical rattaché à leur fusée, je trouvais ça assez passionnant.
Je trouve maintenant hélas, comme toute les choses de notre temps, que ça se banalise un peu. Je comprends que Georges Leclerc, qui est un scientifique, s'émerveille de savoir qu'un véhicule repart après avoir fait un million et demi de kilomètres.
Mais moi personnellement ça ne me fait pas grand-chose, je dois l'admettre. Cela dit, ça n'empêche pas que les gens qui réalisent ce genre de chose seront probablement, sans aucun doute, des gens exceptionnels.

D.L. : Vous n'avez jamais rêvé d'être cosmonaute, astronaute ?.
Vous ne vous voyez pas aujourd'hui dans la navette ?.

D.B. : Non, pas du tout. Je ne rêve pas d'être bien ailleurs.
Je rêve d'être bien ici. C'est ça qui m'intéresse. Ce n'est pas d'être bien sur la lune ou d'être bien sur Jupiter.
Ce que je voudrais c'est avoir la paix, la tranquillité et l'amour ici et nulle part ailleurs.

D.L. : Pierre Rapsat, on va regarder une journée avec Daniel Balavoine, c'est une tradition de cette émission.
Une journée qui commence sur deux roues, vous allez voir, puisque Daniel est un adepte de la moto.
On essaiera de savoir pourquoi. Si c'est le mythe, le symbole... On se posera la question tout à l'heure.

(Reportage).

(Daniel commente les images qui le montrent prendre des leçons de moto).


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